Repères – Bail commercial – Révision de loyer – Surface pondérée – Abattements – Paris – 75001
Cour d'appel de Paris, Pôle 5, chambre 3, 17 janvier 2018, n° 16/03862
La Cour d'appel de Paris a rendu, le 17 janvier 2018, un arrêt remarquable en matière de révision de bail commercial, dans un litige opposant la SCCV UMR Select Retail à la SA Société des Éditions de Presse Affiches Parisiennes. Cette décision illustre parfaitement les enjeux techniques de la détermination de la surface pondérée et des abattements applicables lors de la fixation judiciaire d'un loyer révisé.
L'affaire trouve son origine dans un bail commercial conclu le 31 janvier 2006 portant sur divers locaux à usage commercial situés rue de Viarmes dans le 1er arrondissement de Paris, pour une durée de dix ans. Les locaux avaient été donnés pour l'exercice d'activités d'édition, de commercialisation de journaux, l'exploitation d'agence de publicité et la domiciliation. Le loyer initial de 130 000 euros s'élevait, en application de la clause d'échelle mobile, à 167 687 euros au 1er février 2013. Par acte du 7 août 2013, la société locataire avait demandé la révision du loyer sur le fondement de l'article L.145-39 du code de commerce, compte tenu de la hausse de plus du quart du loyer.
Le tribunal de grande instance de Paris avait fixé le loyer révisé à 124 062,62 euros en principal par an à compter du 7 août 2013, après expertise judiciaire. La SCCV UMR Select Retail avait interjeté appel de cette décision.
1 – Sur la détermination de la surface utile et de la surface pondérée
La première question technique soulevée concernait la détermination de la surface utile des locaux et l'application des coefficients de pondération appropriés.
S'agissant de la surface utile, la SCCV UMR Select Retail soutenait que les locaux dont la hauteur sous plafond était inférieure à 1,80 mètre devaient être pris en compte, car ils constituaient des surfaces dédiées au stockage ou à l'archivage, donc exploitables et adaptées à l'activité exercée. Elle demandait que la surface utile totale soit retenue à hauteur de 448,10 m². La locataire contestait cette approche, soutenant que la surface utile était de 278 m², excluant les surfaces non pleinement exploitables.
La Cour adopte une position pragmatique, rappelant qu'en application de l'article R.145-3 du code de commerce, il convient de tenir compte de l'adaptation de chaque partie à la forme d'activité exercée. Elle précise qu'il ne faut pas « exclure des locaux techniques ni déduire la superficie de surfaces dont la hauteur de plafond est inférieure à 1,80m, dès lors que la totalité des locaux en sous-sol sont exploités par la locataire ». Elle retient la surface utile totale de 448,10 m².
Concernant la surface pondérée, le débat portait sur les coefficients à appliquer aux différentes zones. Pour la zone 2 du rez-de-chaussée, la Cour observe que cette zone « ne bénéficie pas du même éclairage que la zone 1, et les trois bureaux intégrés dans cette zone et séparés par des cloisons légères, sont sans ouverture sur l'extérieur ». Elle confirme le coefficient de 0,75 en se référant à la charte de l'expertise en évaluation immobilière qui propose un coefficient entre 0,70 et 0,80 pour cette zone.
Pour le sous-sol, la question était délicate car des travaux d'aménagement importants avaient été effectués par la locataire pour 240 250 euros HT. La Cour rappelle le principe selon lequel « s'agissant d'évaluer un loyer révisé, en application de l'article L.145-38 dernier alinéa, il n'y a pas lieu de tenir compte des investissements effectués par le preneur en cours de bail ». Elle retient l'état du sous-sol au jour de la conclusion du bail, « décrit dans le contrat de bail, comme étant "une réserve avec local technique", justifiant l'application d'un coefficient de 0,20 ».
La Cour établit ainsi la surface pondérée totale à 195,58 m² : zone 1 du rez-de-chaussée (78,60 m²), zone 2 (55,99 m²), zone 3 (3,37 m²), et sous-sol (57,62 m²).
2 – Sur la fixation de la valeur locative et les abattements applicables
La seconde partie de l'arrêt aborde la détermination de la valeur locative unitaire et l'application des abattements justifiés par les charges exorbitantes du droit commun.
Concernant la valeur locative unitaire, la SCCV UMR Select Retail acquiesçait à la valeur de 700 euros/m²/an retenue par l'expert immobilier de Paris. La locataire estimait cette valeur trop élevée, s'appuyant sur un rapport amiable qui avait retenu 650 euros/m² pour demander que la valeur unitaire soit fixée à ce montant.
La Cour procède à une analyse des éléments de comparaison, relevant que « les références les plus pertinentes sont celles de locaux situés rue de Viarmes ». Elle examine les différentes références : décisions judiciaires ayant fixé des loyers entre 660 et 750 euros/m², baux renouvelés pour une boutique de photocopie (733 euros/m²) et un fleuriste (751 euros/m²), nouvelles locations pour une agence bancaire (856 euros/m²) et un local d'articles deux roues (637 euros/m²).
La Cour valide la valeur locative unitaire de 700 euros/m², estimant qu'« en tenant compte de ces éléments de comparaison, des caractéristiques des locaux, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité et des prix couramment pratiqués dans le voisinage », cette valeur est justifiée, soit une valeur locative globale de 136 906 euros.
La question des abattements constituait le point le plus technique du litige. La SCCV UMR Select Retail contestait les facteurs de minoration, estimant que la prise en charge par le preneur de la taxe d'enlèvement d'ordures ménagères n'était pas exorbitante du droit commun. La locataire soutenait au contraire que plusieurs abattements devaient s'appliquer : taxe sur les ordures ménagères, assurance de l'immeuble, et clause relative aux prescriptions administratives.
La Cour adopte une position nuancée. Elle confirme que la taxe foncière constitue une charge exorbitante du droit commun, mais précise que « la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui correspond à un service dont seul le locataire bénéficie, doit être déduite de ladite taxe foncière ». Elle retient une déduction de 3 714 euros correspondant à la seule taxe foncière.
S'agissant de l'assurance de l'immeuble, la Cour calcule la quote-part des locaux loués à 318,08 euros par an et considère que « la répercussion de l'assurance de l'immeuble constitue une charge exorbitante de droit commun entraînant la déduction » de cette somme.
En revanche, elle rejette l'abattement demandé au titre de la clause relative aux prescriptions administratives, estimant que cette clause « ne saurait être considérée comme une clause exorbitante de droit commun ».
Au final, la Cour retient les abattements suivants : contribution sur les revenus locatifs (4 190,92 euros), taxe foncière (3 714 euros), et assurance de l'immeuble (318,08 euros), soit un total de 8 223 euros. Le montant annuel du loyer révisé s'établit donc à 128 683 euros.
Cette décision constitue un exemple instructif de l'application des règles techniques de révision des loyers commerciaux, illustrant la complexité de la détermination de la surface pondérée et l'importance de l'analyse des charges exorbitantes du droit commun.