Repères – Bail commercial – Hôtel – Méthode hôtelière – Fixation du loyer – Remises et prix unitaires - Paris – 75017
Cour d'appel de Paris, Pôle 5, chambre 3, 30 septembre 2020, n° 18/27443
La Cour d'appel de Paris a rendu le 30 septembre 2020 un arrêt significatif en matière de fixation du loyer des baux commerciaux hôteliers, infirmant partiellement le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 15 juin 2018. Cette décision, opposant les consorts R. à la SAS HARVEY HOTEL, illustre les subtilités de l'application de la méthode hôtelière et l'importance de la détermination précise des paramètres tarifaires dans l'évaluation des baux hôteliers.
L'affaire concernait l’expertise d’un hôtel situé à Paris 17, avec un bail commercial conclu le 18 février 1997, dont le renouvellement avait pris effet au 1er janvier 2013. Le tribunal de première instance avait fixé le loyer à 145 804 euros, mais les bailleurs contestaient cette décision et sollicitaient une revalorisation à 156 905 euros. La locataire, de son côté, demandait une réduction à 135 273 euros.
1 – Sur l'application de la méthode hôtelière et la détermination des prix unitaires
La Cour rappelle que « la méthode hôtelière consiste à fixer la valeur locative par référence à la recette théorique annuelle hors taxes à laquelle sont appliqués successivement et s'il y a lieu : un abattement s'il est pratiqué de manière habituelle des remises, un taux d'occupation choisi en fonction du classement de l'hôtel, de l'emplacement géographique et des éléments statistiques recueillis pour des établissements de même catégorie, un taux sur recettes déterminé selon la catégorie de l'hôtel, les normes habituellement admises pour des établissements comparables, les caractéristiques physiques de l'immeuble, un abattement pour tenir compte de clauses exorbitantes du droit commun ».
L'établissement concerné dispose de 32 chambres, soit 22 en catégorie standard et 10 en catégorie supérieure pouvant accueillir jusqu'à 4 personnes, et est classé en catégorie trois étoiles. Le différend portait principalement sur le prix unitaire des chambres de catégorie « Etoile supérieure » et sur le taux d'abattement pour remises.
Concernant le prix unitaire des chambres supérieures, les bailleurs soutenaient qu'il convenait d'appliquer un prix de 190 euros, arguant qu'« il s'agit du prix relevé par l'expert judiciaire de Paris désigné pour la fixation du prix révisé, lors de sa visite dans les locaux le 5 février 2013 » et que « ce prix est bien applicable à la date de renouvellement du bail puisqu'il s'agit du prix indiqué sur le site internet de l'hôtel au mois de janvier 2013 ». La locataire contestait ce montant et réclamait l'application d'un prix de 185 euros.
La Cour tranche en faveur de la locataire, relevant que « l'expert judiciaire a retenu un prix de 185 euros au 1er janvier 2013 au vu des informations qui lui ont été communiquées lors des opérations d'expertise » et que « les bailleurs n'en apportent pas la preuve contraire dès lors que les pièces qu'ils produisent en cause d'appel concernent des prix postérieurs à la date de renouvellement ». Elle précise que « contrairement à ce qu'ils soutiennent la pièce 8 ne vise pas un prix en janvier 2013 mais un prix au 5 février 2013 ».
2 – Sur les abattements pour remises et la fixation du loyer
La question centrale de l'arrêt concerne la détermination du taux d'abattement pour remises. Les bailleurs réclamaient un taux de 20%, « rappelant que ce taux a été retenu dans le cadre de la fixation du loyer révisé au 11 janvier 2010 ». La locataire sollicitait un taux de 30%, « expliquant notamment que 80% de la clientèle est constituée par des institutionnels » et qu'« il convient de tenir compte des commissions d'agences de plus en plus élevées ». Le tribunal de première instance avait retenu un taux intermédiaire de 25%.
La Cour confirme le taux de 25% retenu en première instance, considérant que « c'est de manière pertinente que le jugement entrepris, par une motivation qu'elle adopte, a retenu un pourcentage de 25%, et non celui de 20% sollicité par les bailleurs et proposé par l'expert judiciaire ». Elle justifie cette décision par le fait que « le jugement entrepris a tenu compte de l'importance croissante des remises importantes accordées aux sites de réservation en ligne et de l'importance de la clientèle institutionnelle s'agissant d'un hôtel proche du Palais des congrès et des sièges des sociétés de la Défense ».
Concernant le taux de 30% réclamé par la locataire, la Cour le juge « excessif », relevant que « seule une référence sur 10 issue du rapport d'expertise judiciaire fait état d'un abattement pour remise supérieur à 30% ». Elle rappelle que « la méthode hôtelière est une méthode normative et que le bailleur n'est pas l'associé du gérant de sorte que les choix de gestion de la locataire ne sont pas opposables ».
La Cour confirme par ailleurs les autres paramètres retenus en première instance : taux d'occupation de 80% pour les 32 chambres et de 25% pour les lits supplémentaires, pourcentage sur recettes de 14% et abattement de 5% pour clauses exorbitantes de droit commun. Au final, elle fixe « à la somme de 145 736 euros, hors taxes et charges, par an à compter du 1er janvier 2013, le montant du loyer du bail renouvelé », soit un montant légèrement inférieur à celui fixé en première instance (145 804 euros).
Cet arrêt illustre parfaitement l'importance de la précision dans la détermination des paramètres tarifaires et confirme l'évolution des pratiques commerciales dans le secteur hôtelier, notamment l'impact croissant des plateformes de réservation en ligne sur les politiques tarifaires et la nécessité d'adapter les taux d'abattement en conséquence.