Repères – Bail commercial Banque Courtois – Fixation du loyer de renouvellement – Bureaux-boutique en centre-ville – Albi – 81000
Cour d'appel de Toulouse, 2e chambre, 14 novembre 2018, n° 17/03215
La Cour d'appel de Toulouse a rendu le 14 novembre 2018 un arrêt relatif à la fixation du loyer de renouvellement d'un bail commercial portant sur des locaux occupés par la Banque Courtois au centre-ville d'Albi. Cette décision précise les modalités d'évaluation des locaux à usage de bureaux présentant les caractéristiques d'une boutique en rez-de-chaussée.
Le litige opposait la SCI du 16 Lices Georges P., bailleresse, à la SA Banque Courtois, locataire de locaux situés aux Lices Georges Pompidou à Albi depuis 1998. Les locaux comprennent un magasin et une cave au sous-sol, d'une superficie totale de 240 m² environ, destinés à l'exploitation d'une activité de banque, assurance et placements financiers.
Par acte d'huissier du 26 mars 2015, la Banque Courtois a sollicité le renouvellement du bail pour l'échéance du 1er avril 2015, en offrant un loyer annuel de 24 000 euros alors que le dernier loyer indexé s'établissait à 43 129 euros. La bailleresse a accepté le renouvellement tout en sollicitant la fixation du loyer à 48 450 euros par an.
Le juge des loyers commerciaux d'Albi avait fixé par jugement du 19 avril 2017 le loyer annuel à 28 200 euros hors taxes et hors charges, soit 188 euros le mètre carré, sur la base d'une surface pondérée de 150 m².
1 – Sur la pondération des surfaces
La Cour d'appel a d'abord réexaminé la pondération appliquée aux locaux. Les parties s'accordaient pour appliquer la Charte de l'expertise en matière d'évaluation immobilière (édition 2015), qui prévoit pour les sous-sols à usage de réserve un coefficient compris entre 0,10 et 0,25.
La cave litigieuse présente une superficie de 38,08 m² avec une hauteur sous plafond de 2,70 m et un sol en brique. L'expert immobilier judiciaire avait proposé d'appliquer un coefficient de 0,15 en raison de sa configuration particulière : cave non reliée directement aux locaux principaux, accessible par une trappe et nécessitant un traitement contre l'humidité avec présence d'une pompe de relevage des eaux.
Le tribunal de première instance avait retenu un coefficient de 0,10, considérant que cette cave était difficilement utilisable comme réserve en raison de son accès malaisé et de problèmes d'humidité.
La Cour d'appel a infirmé cette appréciation, estimant que malgré ces inconvénients, les caractéristiques de la cave (hauteur sous plafond correcte, traitement de l'humidité) justifiaient l'application du coefficient de 0,15 proposé par l'expert. La surface pondérée totale des locaux a ainsi été fixée à 152,56 m².
2 – Sur les questions de compétence et la fixation du loyer renouvelé
La qualification des locaux constitue un enjeu crucial de cette affaire. Le juge des loyers commerciaux avait retenu que les locaux étaient à usage exclusif de bureaux, rendant applicable l'article R.145-11 du code de commerce, qui impose une fixation du loyer par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents.
La Cour d'appel a confirmé cette qualification tout en précisant sa portée. Elle a souligné la spécificité de ces locaux occupés par une agence bancaire : bien qu'ayant un usage de bureaux, ils présentent les caractéristiques d'un "bureau-boutique" situé en rez-de-chaussée avec tous les avantages que cela procure (valorisation de l'effet vitrine, emplacement attractif pour la clientèle, facilités d'accès).
Cette particularité justifiait une approche élargie dans la recherche des références comparables. La Cour a rejeté l'argumentation de la bailleresse qui souhaitait limiter les comparaisons aux seules agences bancaires du centre-ville d'Albi.
L'expert avait retenu plusieurs références situées sur la même artère : l'ancienne librairie Teysseyre devenue photographe Phox, la galerie d'art Boulev'Arts, l'ancien café Brussel's devenu Postman, ainsi que l'agence Société Générale située 5 Lices Jean Maurel. Il avait écarté la référence CIC située dans un emplacement exceptionnel à la jonction du centre historique, considérée comme non représentative.
Sur la base de ces références, l'expert avait déterminé une valeur locative médiane de 188 euros le mètre carré.
Le point central du litige portait sur l'application d'une majoration de 15% proposée par l'expert pour tenir compte de l'effet d'angle du local. Le tribunal de première instance avait rejeté cette majoration.
La Cour d'appel a infirmé cette décision, considérant que la position en angle de deux voies du local constitue un avantage indéniable. Les locaux sont situés sur un axe reliant la Préfecture au Conseil Général, dans la partie administrative du centre-ville d'Albi, ce qui correspond au profil de clientèle de la banque locataire.
La Cour a précisé que cette majoration constitue un facteur de plus-value indépendant des méthodes de pondération de surface préconisées par la Charte de l'expertise. Elle ne constitue donc pas une double valorisation du même avantage.
L'expert avait par ailleurs tenu compte du fait que le preneur supportait des charges exorbitantes en payant la moitié de l'impôt foncier, conformément aux stipulations contractuelles.
La valeur locative unitaire a donc été fixée à 216 euros le mètre carré (188 euros + 15% de majoration).
Le calcul final s'établit comme suit : 216 euros × 152,56 m² = 32 953 euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er avril 2015.
Ce montant représente un compromis entre les prétentions des parties : la Banque Courtois proposait 24 000 euros, la bailleresse réclamait 44 783 euros, et le tribunal de première instance avait fixé le loyer à 28 200 euros.