Repères – Fixation du loyer commercial – Confiserie dans un complexe cinématographique – Méthode de calcul – Nice – 06000
Cour d'appel de Paris, Pôle 5, chambre 3, 24 mai 2017, n° 15/01566
La Cour d'appel de Paris a, dans un arrêt rendu le 24 mai 2017, tranché un litige relatif à la fixation du loyer révisé de locaux commerciaux abritant un complexe cinématographique situé à Nice. Cette décision précise les modalités de calcul de la valeur locative d'un cinéma, et plus particulièrement la question de l'intégration des recettes de confiserie dans ce calcul lorsque cette activité est exercée dans un local distinct.
Le litige opposait la société civile M.S., bailleresse, à la société Les Cinémas Gaumont Pathé, locataire d'un ensemble immobilier composé de deux lots au sein du centre commercial Lingostière à Nice : le lot 56 d'une superficie de 5.289 m² destiné à l'exploitation de salles cinématographiques, et le lot 50 d'une superficie de 287,50 m² dédié à une activité "tous commerces", où était exercée une activité de vente de confiserie.
1 – Sur la prise en compte des recettes de confiserie dans le calcul du loyer d'un complexe cinématographique
Suivant un bail en date du 28 février 2003, la société civile M.S. a donné à bail à la société Les Cinémas Gaumont Pathé deux lots d'un ensemble immobilier situé dans le centre commercial Lingostière à Nice. Alléguant que le loyer des deux baux avait augmenté de plus du quart en application de la clause d'indexation depuis sa fixation conventionnelle, la société Les Cinémas Gaumont Pathé a saisi le juge des loyers d'une action en révision du loyer fondée sur l'article L.145-39 du code de commerce.
La principale question soumise à la Cour était de savoir si les recettes de confiserie, réalisées dans le local faisant l'objet d'un bail distinct (lot 50), devaient être prises en compte pour la détermination de la valeur locative du lot 56 consacré aux salles de projection.
La société civile M.S. soutenait que l'activité de confiserie était indivisible de l'activité cinématographique et que la valeur locative du local cinéma devait donc intégrer la recette confiserie réalisée dans la boutique dédiée à cette activité. Elle faisait notamment valoir l'absence d'étanchéité entre les deux locaux et l'absence d'enseigne propre pour le local de confiserie, démontrant selon elle l'impossibilité pour ce dernier de revendiquer une clientèle qui lui soit spécifique.
La société Les Cinémas Gaumont Pathé arguait au contraire de l'indépendance des deux lots, dont la valeur locative devait être appréhendée séparément, et estimait que le lot 50 n'étant pas monovalent et n'étant pas réservé aux seuls clients du complexe cinématographique, les recettes de confiserie devaient être exclues du calcul de la valeur locative du lot 56.
La Cour a reconnu que le local confiseries, situé en haut des escalators et de l'escalier menant directement aux salles de cinéma, avait "principalement sinon exclusivement vocation à attirer la clientèle qui se rend dans les salles de projection". Elle a également noté l'absence d'enseigne extérieure permettant à une clientèle extérieure au cinéma d'identifier ce local.
Toutefois, la Cour a considéré que la société bailleresse n'avait pas démontré l'existence de distributeurs de confiseries dans le complexe lui-même à la date de renouvellement du bail. Surtout, elle a estimé que, malgré l'identité partielle de clientèle entre les deux locaux, la bailleresse ne pouvait pas solliciter que les recettes de confiserie réalisées dans un local faisant l'objet d'un bail distinct soient comptabilisées au titre du loyer cinéma, sauf à considérer tout l'ensemble comme une entité unique et des locaux monovalents, "ce qui n'est pas le cas en présence de deux baux distincts, dont l'un est à destination 'tout commerce'".
La Cour a ainsi jugé que "le loyer du bail du lot 50 [avait] précisément pour effet de rémunérer l'immobilisation du lot consacré à la vente de confiseries, qui s'ajoute au loyer du complexe de salles lui-même".
2 – Sur la détermination de la valeur locative d'un complexe cinématographique
L'expert judiciaire désigné par le tribunal avait adopté pour le calcul de la valeur locative la méthode dite "cinéma", consistant à déterminer une recette théorique à partir des données d'exploitation, puis à appliquer à cette recette différents taux.
La recette théorique de 17.707.866 euros n'était pas contestée par les parties. L'expert avait retenu un taux d'occupation de 31,63% correspondant à l'année 2009, et un taux de recette de 10%. En revanche, l'expert avait présenté deux évaluations : l'une excluant les recettes de confiserie, aboutissant à une valeur locative de 589.332 euros HT et HC, et l'autre les incluant, portant cette valeur à 824.707 euros.
La Cour d'appel a confirmé le jugement de première instance qui avait fixé la valeur locative du lot 56 à la somme de 589.332 euros HT et HC par an, excluant ainsi les recettes de confiserie du calcul.
La Cour a tout d'abord validé le taux d'occupation retenu par l'expert (31,63%), estimant qu'il était cohérent avec la recette théorique établie à partir des chiffres de l'année 2009.
S'agissant du taux de recette applicable, la Cour a également approuvé le taux de 10% retenu par le premier juge, malgré les arguments de la société locataire qui plaidait pour un taux inférieur de 7%.
La Cour a justifié ce choix par la fréquentation du complexe, son statut de seul multiplexe de l'agglomération niçoise bénéficiant d'un parc de stationnement gratuit de 2.600 places, et l'absence de concurrence avec les cinémas du centre-ville qui n'ont ni la même capacité d'accueil, ni la même clientèle.
Concernant les autres éléments du calcul, la Cour a également confirmé les recettes de publicité et de sous-location de salles retenues par l'expert, ainsi que le taux d'abattement de 4% appliqué pour tenir compte des charges particulières incombant au preneur.
Cet article est intéressant à double titre ; sur les conséquences de l’existence des 2 baux distincts au regard de la qualification des locaux : monovalents ou non et quant aux implications sur l’assiette du calcul de la valeur locative.