Quelles sont les spécificités du marché immobilier des chalets d’alpage ?
Les chalets d’alpage constituent des actifs immobiliers spécifiques de plus en plus recherchés. En effet, les acquéreurs souhaitent profiter d’espaces naturels préservés et ce, particulièrement depuis la crise sanitaire.
Cette hausse de la demande pour les chalets d’alpage associée à une faible offre a engendré des hausses de valeurs, observées particulièrement sur ces dernières années.
Face à cet engouement et afin d’éviter certains abus, les services de l’Etat ont mis en place plusieurs contraintes réglementaires et dispositifs pour réguler le marché immobilier des chalets d'alpage.
Exemple : Le Conseil départemental de la Haute-Savoie a acheté un chalet de 340 m² sur un alpage de plus de 64 hectares, situé sur la commune de La Chapelle d’Abondance. Une somme déboursée de 700 000 € a ainsi permis de préserver la fonction agricole de l’alpage qui est notamment utilisé pour la production d’un fromage d’abondance AOP.
Afin de continuer à préserver ces espaces naturels et agricoles, le Conseil départemental de la Haute-Savoie dispose ainsi d’un budget total de 11,5 millions d’euros réservés à des acquisitions foncières et immobilières.
Qu’est-ce qu’un chalet d’alpage ?
A noter que lorsqu’un chalet se trouve intégré dans un groupe de bâtiments formant un « hameau de chalets d’alpages », la mixité peut être examinée pour l’ensemble du groupe bâti et non bâtiment par bâtiment.
Ce qu’est un bâtiment d’estive :
Il s’agit d’une construction qui doit répondre aux mêmes critères que celui du chalet d’alpage. A la différence que le bâtiment d’estive n’est pas situé en alpage (ex : cabanes pastorales, cayolars*, etc.).
Nota : Le règlement graphique du PLU identifie souvent les constructions reconnues comme chalets d’alpage ou bâtiments d’estive.
Peut-on reconstruire ou restaurer un chalet d’alpage dans tous les cas ?
→ Le principe : Seule une reconstruction ou une restauration du bâtiment peut être envisagée et ce, dans l’emprise de la construction originelle. A noter, toutefois, qu’une extension limitée pourra être autorisée par le législateur dans le cas exclusif d’une activité professionnelle saisonnière.
Le but de ces contraintes est d’éviter la dégradation des constructions et de préserver le patrimoine culturel tout en évitant d’éventuels abus.
Selon l’article L.145-3-1 du Code de l’Urbanisme : « la restauration ou la reconstruction d'anciens chalets d'alpage ou de bâtiments d'estive, ainsi que les extensions limitées de chalets d'alpage ou de bâtiments d'estive existants, peuvent être autorisés par arrêté préfectoral après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, dans un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard. »
C’est donc un encadrement juridique beaucoup plus important qui entoure la restauration de ces bâtiments considérés comme richesse du patrimoine.
L’autorisation d’effectuer des travaux de reconstruction et de restauration est conditionnée, en sus de l’obtention des autorisations urbanistiques usuelles, à autorisation ad hoc préfectorale.
→ Contre les idées reçues : Il est à noter que si un bâtiment possède une vétusté telle, qu’il est qualifié de ruine, les vestiges d’un ancien chalet d’alpage ou bâtiment d’estive ne pourront faire l’objet de travaux
Voir la jurisprudence suivante : CAA Lyon, 1er octobre 2013, Gomar, n°13LY00315 ; CE, 13 mai 1992, Fernandez, n°107914.
Il est plus facile de définir à partir de quel état le bien n’est pas considéré comme une ruine. Ainsi, en règle générale, pour ne pas être assimilée à une ruine, la construction devra posséder quatre murs (percés d'ouvertures, visiblement destinés à un habitat humain) avec des éléments de charpente.
Outre les contraintes réglementaires, il faut également considérer le coût des travaux particulièrement élevés (la restauration, la création de réseaux, l’héliportage, etc.), lié majoritairement aux difficultés d’accès (acheminement des matériaux et déplacements artisans).
De plus, pour que la construction soit proche de l’identique, il faudra respecter diverses contraintes architecturales (indiquées sur le site du gouvernement, liste non exhaustive) :
- Ne pas remettre en cause l’harmonie entre bâti et paysage ;
- Ne pas modifier ou créer de nouveaux accès ;
- La logique fonctionnelle primitive doit rester lisible ;
- Réutiliser les pierres naturellement présentes sur le terrain ;
- Proscrire l’utilisation de ciment ;
- De nouvelles ouvertures peuvent être réalisées mais en nombre très limité et dans des dimensions similaires aux ouvertures existantes.
Tous les usages sont-ils autorisés pour un bâtiment d’estive ou un chalet d’alpage ?
Il est fréquent que des restaurations ou des reconstructions de chalets d’alpage / de bâtiments d’estive soient réalisées pour des usages de résidences secondaires, des hébergements ou équipements touristiques.
Le 3° alinéa de l’article L.122-11 du Code de l’urbanisme n’interdit pas les changements de destination pour cette catégorie de bâti, ce type d’opérations peut en effet être autorisé sans que le statut spécifique des chalets d’alpage et des bâtiments d’estive y fasse obstacle.
En résumé, pour être autorisés par le préfet et la commission départementale, les travaux devront notamment :
• Suivre un objectif de protection et de mise en valeur du patrimoine montagnard ;
• Être à l’identique ou proche de l’identique, dans le respect de l’architecture, des techniques constructives et des matériaux traditionnels locaux, mais aussi de la configuration des lieux ;
• Ne pas conduire à une anthropisation* incompatible avec les objectifs de protection environnementale et de protection des terres agricoles et naturelles.
Peut-on accéder sans contrainte à son chalet d’alpage ?
Il est possible qu’un chalet d’alpage ou bâtiment d’estive soit grevé d’une servitude administrative qui en interdit ou en limite l’usage en période hivernale.
Mais pour que cette servitude puisse être instituée, les conditions suivantes doivent être remplies :
- L’autorité administrative compétente doit être saisie d’une demande de permis de construire ou d’une déclaration de travaux portant sur la restauration, la reconstruction ou l’extension d’un chalet d’alpage ou d’un bâtiment d’estive.
- Le bâtiment ne doit pas être desservi par les voies et réseaux ou que ces voies et réseaux ne soient pas utilisables en période hivernale.
- La portée de la servitude doit tenir compte de l’absence de réseaux.
- La servitude doit être publiée au fichier immobilier.
L’objectif (d’intérêt général) poursuivi est de ne créer aucune obligation nouvelle de desserte par des voies et réseaux afin de garantir la sécurité des personnes en période hivernale.
Etant publiée au fichier immobilier, cette servitude administrative est donc opposable aux tiers, et grève ainsi le bien nonobstant le changement de propriétaire ou d’autres autorisations de construire.
Et naturellement, une servitude d'utilité publique relative à la conservation du patrimoine naturel ou culturel peut grever un chalet d’alpage ou bâtiment d’estive (réserves naturelles, parcs nationaux, sites classés ou inscrits, etc.).
Elle peut engendrer des contraintes supplémentaires notamment en termes de hauteur ou d'aspect extérieur (matériaux, sens du faîtage, ouvertures, etc.).
Le marché immobilier des chalets d’alpage : un marché niche :
Les chalets d’alpages sont des constructions dont l’époque d’édification originelle est ancienne, c’est-à-dire avant notamment l’apparition des contraintes réglementaires liées à leur édification. La plupart des chalets anciens ont été construits entre le XVIIème (pour les plus vieux) et la première moitié du XXème siècle (pour la majorité d’entre eux).
La plupart font depuis lors l’objet de transmissions familiales, de générations en générations.
Il s’agit ainsi d’actifs familiaux constituant un micromarché très spécifique, dont les ventes sont rares.
En conclusion, pour leur valorisation :
Les contraintes réglementaires ont un lien direct avec la faiblesse de l’offre puisque qu’aucun nouveau chalet d’alpage ou bâtiment d’estive (à usage d’habitation exclusif) ne peut être édifié sur un terrain nu.
De plus, il existe relativement peu de ventes car la transmission des chalets d’alpage est principalement d’ordre familiale.
Concernant les travaux, ils sont très réglementés et leur coût est généralement élevé.
Le confort d’un chalet d’alpage ou bâtiment d’estive existant peut être amélioré mais restant dans l’essence du chalet d’alpage, celle de « l’habitat minimal ». Dès lors et à titre d’exemple, rénover un chalet d’alpage en un chalet haut de gamme semble compliqué.
Les contraintes auxquelles sont soumis ces biens et tout particulièrement la servitude interdisant ou limitant l’usage du bâtiment en période hivernale, écarte leur utilisation à titre de résidence principale.
Qu’en est-il des prix de ventes ?
Concernant les prix au m2 des chalets d'alpage situés en Haute-Savoie, ils sont généralement compris entre 1 900 € et 3 000 € pour des valeurs globales comprises entre 150 000 € et 300 000 € (fourchettes indicatives).
La détermination de la valeur vénale de chalets d’alpage est une mission qui peut s’avérer complexe avec des valeurs pouvant largement varier à la hausse ou à la baisse selon les caractéristiques particulières du bien.
Le cabinet Berthier & Associés est reconnu pour son expérience et sa connaissance du marché immobilier de montagne et notamment celui des chalets d’alpage. Nous expertisons pour protéger votre patrimoine. Confiez-nous la valorisation de votre bien. Contactez-nous en ligne ou par téléphone.
*Définitions :
Cayolars : abri de berger en pierre.
Anthropisation : processus par lequel les populations humaines modifient ou transforment l’environnement naturel.