Repères – Bail commercial – Hôtel-restaurant – Méthode hôtelière – Valeur locative – Abattements – Rochefort - 17300
Cour d'appel de Poitiers, 2e chambre civile, 27 novembre 2018, n° 17/02410
La Cour d'appel de Poitiers a rendu le 27 novembre 2018 un arrêt de confirmation particulièrement instructif en matière de fixation du loyer des baux commerciaux hôteliers, validant intégralement le jugement du tribunal de grande instance de La Rochelle du 27 juin 2017. Cette décision, opposant l'ORGANISME COMMUN DES INSTITUTIONS DE RENTE ET DE PRÉVOYANCE (OCIRP) à la SNC PROGEXHO 17, illustre l'application rigoureuse de la méthode hôtelière et la prise en compte des spécificités de l'exploitation hôtelière dans l'évaluation de la valeur locative.
L'affaire concernait l’expertise immobilière d’un hôtel restaurant situé à Rochefort, dans le cadre prestigieux de la Corderie Royale, avec un bail commercial conclu le 2 novembre 1989. Le bailleur proposait un renouvellement à 160 000 euros annuels, tandis que le locataire sollicitait une fixation à 72 061 euros. Le tribunal de première instance avait fixé le loyer à 100 000 euros, décision confirmée par la Cour d'appel.
1 – Sur l'application de la méthode hôtelière et la détermination de la valeur locative brute
La Cour valide l'application de la méthode hôtelière spécifique aux établissements monovalents. Elle rappelle qu'« il n'est pas contesté que s'agissant de la détermination du prix du loyer concernant l'exploitation d'un hôtel construit en vue d'une utilisation monovalente, il peut être fait application, pour déterminer le prix du bail, des usages observés dans la branche d'activité considérée en application des dispositions de l'article R. 145-10 du code de commerce dérogeant ainsi aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants du même code ».
Concernant la qualification monovalente de l'établissement, la Cour précise que « même si la société Progexho 17 exploite également dans les locaux un restaurant avec des salles de séminaire, il peut être admis qu'ils ne sont que de simples accessoires des locaux hôteliers, dès lors que l'expert A. a précisé que la clientèle du restaurant provient très majoritairement (70 %) de la clientèle de l'hôtel, et que l'ensemble doit être considéré comme monovalent ».
La Cour procède ensuite à une analyse détaillée des composantes de la méthode hôtelière. S'agissant de la recette théorique, elle retient « la somme de 1.785.615 euros selon l'estimation de l'expert M. A. qui l'a calculé selon le nombre et le type de chambres et les prix pratiqués en basse, moyenne et haute saison ». Elle écarte la méthode hôtelière actualisée en précisant qu'elle « n'a eu cours que postérieurement à la date à prendre en considération pour fixer le prix du bail renouvelé et doit être écartée ».
Pour le taux d'occupation, la Cour valide le taux de 48 % retenu par le premier juge, considérant qu'il « apparaît justifié au regard des éléments exposés et aux données fournies relatives à l'évolution des facteurs de commercialité qui, s'agissant strictement de la ville de Rochefort, démontrent plus une stagnation, voire une évolution défavorable comme le relèvent deux experts sur 3 ».
2 – Sur les abattements spécifiques à l'exploitation hôtelière
La Cour confirme l'application de deux abattements distincts de 10 % chacun. Le premier abattement est justifié « pour tenir compte de la vétusté et de l'entretien de l'immeuble pris en charge par le preneur », les « rapport d'expertise convergents sur ce point » validant cette approche.
Le second abattement, particulièrement intéressant, concerne les travaux de climatisation. La Cour précise qu'« il a été retenu également à bon droit un deuxième abattement de 10 % à raison des travaux de climatisation effectués par le preneur en 2007 pour un montant de 135.132 euros HT selon facture du 23 mars 2007 ». Elle fonde cette décision sur l'article L. 311-2 du code de tourisme, rappelant que « certains travaux réalisés par le preneur, sous réserve de leur notification préalable au bailleur, lui permettent de bénéficier d'une décote de la valeur locative pendant douze ans à compter de la notification ». La Cour constate que « l'installation d'une climatisation fait bien partie des travaux ouvrant droit à abattement » et que le preneur avait respecté la procédure de notification préalable.Cette décision constitue un exemple de l'application méthodique des règles spécifiques aux baux commerciaux hôteliers, démontrant l'importance de la prise en compte des spécificités sectorielles et des investissements réalisés par le preneur dans l'amélioration de l'outil d'exploitation.