Repères – Bail commercial – Renouvellement – Surfaces pondérées – Charges – Clause d'accession – Rennes – 35000
Cour d'appel de Rennes, 5e chambre, 10 mai 2017, n° 14/10011
La Cour d'appel de Rennes a rendu, le 10 mai 2017, un arrêt particulièrement instructif en matière de fixation du loyer de renouvellement d'un bail commercial, dans un litige opposant la SAS McDonald's France à la SAS Immopatrim. Cette décision aborde des questions techniques essentielles relatives à la pondération des surfaces, notamment en sous-sol, et à l'application de correctifs pour charges exorbitantes et clause d'accession en fin de jouissance.
L'affaire trouve son origine dans un bail commercial conclu le 23 septembre 1991 portant sur un local situé à Lorient, d'une surface réelle de 606,60 m² répartie entre rez-de-chaussée et sous-sol, moyennant un loyer initial de 436 000 francs HT (66 467,77 euros). Après renouvellement pour onze années jusqu'au 30 septembre 2011, McDonald's avait sollicité un nouveau renouvellement et saisi le juge des loyers pour la fixation du nouveau loyer, réclamant 60 000 euros par an contre les 169 000 euros demandés par la bailleresse.
Le tribunal de grande instance de Lorient avait, par jugement du 3 novembre 2014, fixé le loyer de renouvellement à 142 000 euros HT et HC par an, décision contre laquelle les deux parties avaient interjeté appel.
1 – Sur la pondération des surfaces et la qualification du sous-sol
La première question technique abordée par la Cour concerne la pondération des surfaces, particulièrement délicate s'agissant du sous-sol de 265,60 m² dont 187,24 m² affectés à la vente par McDonald's.
McDonald's contestait la pondération retenue par l'expert et le premier juge, soutenant que « les locaux en sous-sol n'étaient pas lors de la prise d'effet du bail initial, exploitables pour une activité de restauration dans la mesure où ils étaient inondables » et réclamait une pondération à 0,2 en tant que réserve-annexe, pour une surface totale pondérée de 296 m².
La SAS Immopatrim défendait la pondération de l'expert, faisant valoir que « le précédent locataire exploitait déjà le sous-sol sous l'enseigne Prisunic en magasin d'alimentation, réserve d'approche et réception de marchandises » et que « la surface en litige est située au sous-sol du côté de la [rue] et en rez-de-chaussée du côté de la [cour] ».
La Cour adopte une position ferme en faveur de la qualification selon l'affectation effective et les caractéristiques intrinsèques des locaux. Elle relève qu'« il n'est aucunement justifié par la société preneuse que les locaux du sous-sol étaient en partie inondables » alors que la bailleresse rapporte la preuve de l'exploitation antérieure par Prisunic « au rez-de-cour par un magasin d'alimentation, réserve d'approche et réception de marchandises, après autorisation reçue en 1963, d'effectuer les travaux d'aménagement du sous-sol du magasin à la vente ».
La Cour justifie l'application d'un coefficient de pondération de 0,5 pour la surface de vente du sous-sol par « la bonne accessibilité du sous-sol avec le rez-de-chaussée et avec la cour intérieure », « l'importante hauteur sous plafond des locaux du sous-sol » et « le fait que pour une restauration de type self-service, l'inconvénient d'un sous-sol soit moindre ».
Elle confirme ainsi la surface pondérée totale de 352 m² retenue par le premier juge, appliquant la méthode propre aux surfaces de vente supérieures à 300 m².
2 – Sur l'application des correctifs et la fixation finale du loyer
La question des correctifs constitue le cœur technique de cette décision. Les parties sollicitaient l'application de différents abattements et majorations.
Concernant le prix unitaire, la Cour confirme les 400 euros/m² retenus par l'expert, justifiant cette valorisation par « la situation exceptionnelle au sein de l'agglomération de Lorient, se trouvant en lisière du plateau piétonnier au sein du centre-ville, bien desservi par les transports en commun et à proximité des enseignes Fnac, H & M, Monoprix ou encore Eurodif ». Elle valide la méthode de l'expert qui, « ne disposant pas de références de grandes surfaces dans le même secteur a choisi de retenir des références proches qui reflétaient la qualité de l'emplacement en les pondérant comme des grandes surfaces ».
S'agissant des correctifs, la Cour applique une majoration de 12 500 euros pour la terrasse couverte de 82,90 m², suivant le calcul de l'expert tenant compte de la précarité de l'occupation par rapport à un bail commercial. Elle accorde également une majoration de 5 % (7 040 euros) au titre de la clause d'accession en fin de jouissance, considérant qu'« une telle clause est dérogatoire au droit commun » et « constitue un avantage dans la mesure où le bailleur perd la possibilité d'invoquer les travaux du preneur comme motif de déplafonnement ».
La Cour confirme l'abattement de 7,5 % (10 560 euros) pour le transfert des grosses réparations au preneur, relevant que selon l'article 3-2-1 du bail « le preneur doit effectuer toutes les réparations sans distinction, grosses ou menues, afférentes aux locaux loués ».
En revanche, elle rejette l'abattement de 20 % pour travaux d'adaptation, estimant que le document produit « ne permet pas de distinguer les travaux qui auraient pu relever normalement du bailleur au titre de son obligation de délivrance de ceux nécessités par l'aménagement des locaux conformément au concept de la chaîne McDonald's ». Elle refuse également la déduction de la taxe foncière, l'expert ayant constaté que « cette taxe était à la charge du preneur dans tous les loyers de référence ».
En appliquant ces correctifs, la Cour fixe la valeur locative finale selon le calcul suivant :
- Valeur locative de base : 400 euros × 352 m² = 140 800 euros
- Majorations : 12 500 euros + 7 040 euros = 19 540 euros
- Minoration : 10 560 euros
- Total : 149 780 euros HT et HC par an
Cette décision constitue un exemple de l'application des règles techniques de fixation du loyer commercial, illustrant notamment l'importance de la qualification des surfaces selon leurs caractéristiques intrinsèques, la prise en compte des spécificités de l'activité exercée dans la pondération, et l'analyse précise des clauses contractuelles pour l'application des correctifs.