Repères – Fixation du loyer de renouvellement – Pondération des surfaces – Locaux accessoires – Montpellier – 34000
Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 9 février 2021, n° 17/02812
La Cour d'appel de Montpellier a rendu, le 9 février 2021, un arrêt détaillé en matière de fixation du loyer de renouvellement de baux commerciaux, dans un litige opposant la SAS LE SORIECH à la SARL LATTES DISCOUNT exploitant sous l'enseigne LEADER PRICE. Cette décision examine les conditions d'application de la pondération des surfaces et la qualification de locaux accessoires dans le cadre de la détermination de la valeur locative.
L'affaire concerne l’expertise de locaux commerciaux soumis à deux baux distincts, situés dans le centre commercial LE SOLIS à Lattes. Le premier bail, conclu le 22 décembre 1994 et renouvelé le 16 décembre 2003, porte sur un local d'une superficie initiale de 1250 m² avec un loyer fixé à 170 800 euros hors taxes par avenant du 1er avril 2004. Le second, signé le 15 mars 2002, concerne un local de 165 m² pour un loyer initial de 16 199,28 euros hors taxes.
Par actes du 27 décembre 2012, le bailleur a donné congé au preneur pour le 30 juin 2013 avec offre de renouvellement moyennant des loyers respectifs de 307 440 euros et 29 700 euros hors charges et hors taxes. Suite à l'assignation du bailleur, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Montpellier a, par jugements du 7 janvier 2014, constaté le renouvellement des baux et ordonné une expertise confiée à Rémi T.-B. pour fixer les loyers à la valeur locative.
Le jugement du 2 mai 2017 a fixé le loyer de renouvellement du local principal à 163 139 euros HT et celui du local accessoire à 26 672 euros HT, condamnant le bailleur au remboursement des trop-perçus et aux dépens. La SCI LE SORIECH a interjeté appel de cette décision.
1 – Sur l'application du plafonnement et l'autorité de la chose jugée
La SARL LATTES DISCOUNT soutenait à titre subsidiaire que si la valeur locative devait être fixée à une valeur supérieure au loyer du bail expiré, les dispositions de l'article L. 145-34 du Code de commerce relatives au plafonnement devaient s'appliquer. Elle arguait que le fait d'avoir accepté en 2014 que la mission de l'expert soit limitée à la valeur locative ne constituait pas une renonciation expresse à un droit acquis au plafonnement, d'autant que ces dispositions sont d'ordre public.
La Cour tranche définitivement cette question en application de l'autorité de la chose jugée. Elle relève que « les deux jugements rendus entre les mêmes parties par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Perpignan le 7 janvier 2014 ont définitivement écarté la règle du plafonnement leur dispositif mentionnant expressément : constate que le loyer de renouvellement doit être fixé à la seule valeur locative ». Ces jugements n'ayant fait l'objet d'aucun recours sont passés en force de chose jugée et « le loyer des baux renouvelés des locaux n°1 et n°2 ne doit être fixé qu'au regard de la valeur locative ».
2 – Sur la pondération des surfaces et la qualification des locaux
L'une des critiques essentielles formulées par la SAS SORIECH portait sur la surface pondérée du local n°1, le bailleur soutenant qu'aucune pondération ne devait être appliquée car l'avenant du 1er avril 2004 stipulait un prix au mètre carré sans ventilation entre surface de vente et surface de réserve, caractérisant ainsi la volonté des parties de donner la même valeur locative à chaque mètre carré loué.
La Cour rappelle d'abord les principes applicables : « s'il est de principe qu'en invitant à se référer aux loyers pratiqués « par unité de surface » l'article R 145-7 dudit code justifie la pratique de la pondération des surfaces des lieux loués qui a pour objet de permettre la comparaison de locaux de configuration et de superficie différente, la pondération n'est ni obligatoire, ni d'application systématique, le juge conservant la faculté d'apprécier non seulement le bien-fondé de l'application de tel ou tel coefficient mais aussi le bien-fondé de l'application de la pratique de la pondération ».
Concernant l'argument contractuel du bailleur, la Cour observe que « si l'agencement des locaux loués est à la charge exclusive du preneur, ce dernier doit l'effectuer dans le cadre du respect des dispositions contractuelles c'est à dire en respectant en l'espèce les poteaux, la hauteur sous plafond, le mur séparatif entre la partie commerciale et les réserves et ainsi il ne peut être reproché au preneur d'avoir organisé l'agencement des locaux en fonction de leurs caractéristiques initiales ».
S'agissant de la surface de vente, la Cour retient qu'« il est constant que la surface brute du magasin de vente est de 1018m² il convient tout d'abord de retirer la surface des locaux techniques correspondant au passage sous l'escalier, à la chaufferie, au local technique soit une surface de 48m² ce qui ramène la surface de vente à 970m² ». Elle applique à cette surface un coefficient de pondération de 1.
Pour la surface de réserve de 714 m², la Cour approuve la décision du premier juge qui a appliqué le coefficient de 0,20 à l'ensemble de cette surface, contrairement à la proposition de l'expert judiciaire qui ne l'appliquait qu'aux deux tiers. Elle considère qu'« en l'espèce l'expert en n'appliquant pas la pondération de 0,20 à l'ensemble de la surface utilisée comme réserve n'avait pas tenu compte de la configuration particulière de cette partie du local qu'il avait pourtant constatée et qui ne permet pas de considérer qu'un tiers de la surface ne doit pas être pondérée ».
Concernant le local n°2, le débat portait sur sa qualification comme bail de locaux accessoires justifiant l'application d'un coefficient de pondération de 0,2, ou comme bail distinct n'appelant aucune pondération. La Cour rappelle que « en application de l'article L 145-1 du code de commerce les locaux accessoires sont définis comme des locaux nécessaires à l'exploitation du fonds et non pas comme des locaux présentant un simple caractère de commodité ou d'utilité ». Elle observe qu'« il s'agit bien pour le local n°2 d'un bail distinct en date du 15 mars 2002 et non d'un avenant au contrat initial de 1994, ces deux baux ayant été conclus à 18 ans d'intervalle » et que « entre 1994 et 2002 il est constant que la SARL LATTES DISCOUNT a exercé son activité sans ce second local et ne démontre pas en quoi il serait devenu indispensable de s'adjoindre ce nouveau local pour l'exercice de son exploitation des années plus tard ».
Au final, la Cour confirme l'analyse de l'expert judiciaire et retient « la valeur locative au m² surfaces hors œuvre évaluée par l'expert judiciaire à 161,65 euros/m² », confirmant la fixation des loyers à 163 139,38 euros pour le local n°1 et 26 672 euros pour le local n°2.
Cette décision illustre la complexité de la détermination de la valeur locative en présence de locaux de configuration particulière et rappelle les conditions strictes de qualification des locaux accessoires.