Local commercial à La Ravoire : Fixation judiciaire du loyer, les références retenues
Source : Cour d'appel de Chambéry, 1ère chambre, 13 octobre 2020, n° 18/02096
Le contexte
Un bail commercial de neuf années portant sur un local de commerce de détail de chaussures à La Ravoire a été conclu à l’origine en 1997.
Le bail a été renouvelé à son expiration en 2006, avec un loyer porté à 145 349,04 euros.
Indexé sur l’évolution de l’indice du coût de la construction, le montant du loyer en fin de bail était de 187 028,80 euros HT HC. Le preneur était par ailleurs redevable de la taxe foncière.
La société locataire a sollicité le renouvellement du bail à compter du 18 février 2015.
Aucun accord ne s’est établi sur le montant du bail renouvelé, la société locataire sollicitant la prise en compte du retournement du marché de l’immobilier en 2007, a saisi le juge des loyers du tribunal de grande instance de Chambéry.
C’est ainsi que par jugement en date du 11 avril 2017, le juge des loyers a ordonné une mesure d’expertise et a confié la mission d’évaluer la valeur locative des lieux loués à Isabelle SADOUX, expert près la cour d’appel de Chambéry et associée au Cabinet Berthier & Associés.
Le rapport d’expertise a été déposé le 6 avril 2018.
Le tribunal a rendu sa décision le 11 septembre 2018.
Un appel a été interjeté et la cour d’appel a confirmé la décision déférée dans toutes ses dispositions.
Les motifs
Le tribunal a rappelé dans son jugement que selon les termes de l’article L.145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés doit correspondre à la valeur locative.
En cas de désaccord, ce qui était le cas en l’espèce, l’expert judiciaire doit déterminer la valeur en fonction de cinq éléments :
- Les caractéristiques du local concerné ;
- La destination des lieux ;
- Les obligations respectives des parties ;
- Les facteurs locaux de commercialité ;
- Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Il est toutefois utile de préciser que lorsque la valeur locative est inférieure au montant du loyer plafonné, comme ce fut le cas en l’espèce, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative sans qu’il soit nécessaire pour le preneur d’établir une modification de ces éléments afin d’obtenir le déplafonnement.
Discussions
Parmi les différents points de discussion entre les parties, il est intéressant de retenir la position tant du tribunal que de la cour d’appel sur les sujets suivants, sujets par ailleurs très débattus puisque plusieurs rapports amiables ont été produits par les parties au cours des opérations d’expertise.
1/ Sur la question de la surface
L’expert judiciaire désigné a basé son calcul de la surface à prendre en compte pour la détermination du montant du bail sur les recommandations de la Charte de l’Expertise en évaluation immobilière (5ème édition). Les surfaces qui composent le local ont été pondérées en fonction des coefficients qui s’appliquent pour les locaux de périphérie et les retail parks.
La Cour a relevé que « c’est donc à juste titre que Mme X, suivie en cela par le premier juge, a retenu pour les locaux annexes et la réserve reliés un coefficient de 0,20 alors que le cabinet YY a retenu un coefficient de 0,40 qui ne respecte pas les recommandations de la charte précitée. Il sera observé à cet égard que ce dernier dans son évaluation fait état de surfaces de plancher alors que l’expert judiciaire fait expressément référence à la surface de vente GLA qui se définit comme la surface de plancher d’un local commercial augmentée des auvents, paliers extérieurs, gaines techniques …. C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu une surface utile pondérée de 1034 m2. »
2/ Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage et la répercussion de la charge foncière : de la difficulté du choix et de la pertinence des références
L’expert judiciaire a estimé qu’il existait au sein de la zone commerciale dans laquelle se situe le local deux types de valeurs locatives : les plus élevées, celles des enseignes visibles depuis la route nationale (120/150 m2 de SUP) et les moins élevées, celles situées sur des zones ou voies secondaires (90/110 euros par m2 de SUP).
Après avoir recueilli plusieurs références de loyers dans la zone, l’expert a appliqué des correctifs relatifs aux surfaces ainsi qu’aux emplacements pour tenir compte de la continuité commerciale dont le local étudié ne bénéficiait pas au regard des locaux les mieux situés.
La charge que représente l’impôt foncier pour la société locataire était élevée.
L’avocat de la société locataire a rappelé que l’impôt foncier ne pouvait pas être pris en compte dans les prix couramment pratiqués dans le voisinage en vertu de l’article R. 145-7 du Code de commerce précisant que les prix couramment pratiqués dans le voisinage devaient concerner des locaux équivalents eu égard à l’ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R.145-6 et qu’il fallait donc prendre « les prix couramment pratiqués dans le voisinage » sans tenir compte des charges payées ou non par les autres locataires et déduire la taxe foncière.
L’expert, considérant qu’il ne serait pas cohérent de déduire la taxe foncière de la valeur locative (retraitée des divers correctifs ci-dessus mentionnés) alors même que les références, pour une grande part d’entre elles, contenaient également une répercussion de l’impôt sur le locataire, a proposé au tribunal une autre approche : celle de ne retenir que les références qui mettent la taxe foncière à la charge du preneur et non toutes les références.
La Cour a retenu cette analyse et a statué ainsi :
« Ainsi que l’a décidé à bon droit le premier juge, compte tenu de la nécessité de prendre en compte dans la valeur locative la charge supplémentaire que représente pour le preneur le règlement de la taxe foncière, il y a lieu de se référer au tableau qui écarte les éléments de référence dont on ignore si la taxe foncière est répercutée au preneur, aboutissant à une valeur locative de 121 euros par mètre carré de SPU soit pour 1 034 m2 une somme de 125 113 euros arrondis à 125 100 euros.
La Cour n’a par ailleurs pas retenu les références proposées par le cabinet YY qui ne se situent pas dans le même secteur ou les propositions de biens à la vente ou à la location qui sont susceptibles d’être négociées et pour lesquelles aucun correctif n’a été appliqué.
Lors de son jugement définitif, le juge des loyers du tribunal a, en s’alignant sur les estimations de l’expert judiciaire, fixé le loyer commercial annuel du bail renouvelé à 125 100 euros.
Le jugement a ensuite été confirmé par la cour d’appel.
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